Getting your Trinity Audio player ready...
|
Le sourire. Feins le sourire. N’oublie pas de froncer les sourcils, d’y incorporer un « non tu plaisantes! » au passage, pour plus de crédibilité. Arrête de te traiter d’hypocrite et sois un peu plus indulgent envers toi-même. Certes, tu fais des efforts titanesques pour engager la conversation, en te forçant à avaler ce vin qui te monte à la tête en l’espace de quelques secondes, sachant qu’entre l’alcool et toi l’alchimie n’a point existé. Mais il faut dire que tu t’ennuies à mourir. A chaque fois. Ça ne rate pas.
A écouter inlassablement ces conversations qui pivotent sur les derniers potins de « la société », genre qui trompe qui, les nouveautés en matière de chirurgie plastique, ou les jugements implacables quant au mode de vie de quasi étrangers, tu te demandes si tu es soudain devenu blasé, ou parachuté d’une planète si lointaine que tu en as le coeur empli de nostalgie. Tel un adolescent gauche et indécis, tu es tiraillé entre l’obligation de sembler intéressé au risque de paraître inintéressant, l’envie de lancer une discussion plus profonde et sans doute ringarde aux yeux de la majorité, et le besoin pressant de prendre tes jambes à ton cou pour retrouver ton monde à toi. Un monde qui se dépeuple au fil des jours, à mesure que le cercle des amis qui te ressemblent un tant soit peu, se rétrécit. Non pas par arrogance, orgueil ou élitisme, loin de là. Tu as d’ailleurs toujours eu un penchant pour les rebelles, les parias et les « free spirit ».
Mais honnêtement, dans quelle société « normale » te sentiras-tu contraint de te justifier pour être anticonformiste quand le conformisme est synonyme de superficialité? Quand les normes de « l’intégration » sont placées sous le signe de gros cigares, de seins refaits et de paroles creuses?
Le sourire. Feins le sourire. Même s’il ne danse pas dans tes prunelles. Ils seront trop absorbés par eux-mêmes pour le remarquer. F. K.
Photo: via Rigolotes