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“ ‘Elle est sur le quai. Elle attend. Les heures s’égrènent. Les jours. Les mois.
Le froid mordant viole ses pores. Ses jambes ankylosées ne la portent plus. Ses ampoules aux pieds la brûlent. Sur son visage, l’impatience des êtres interpellés par le chagrin. Dans ses yeux, la désolation profonde d’une pléthore de secrets encaissés jusqu’au point de paraître quelconques. Universels.
Elle suit du regard ses semblables qu’elle connaît par cœur et qui ne la reconnaissent point. Elle leur semble si différente, trop distinguée pour être des leurs. Quant à cette assemblée de perdus qui subissent sans vivre, ils s’éloignent d’elle de peur qu’elle ne les aspire ; des perdants qui ne comprennent pas qu’elle a besoin de leur contact avant que les rails ne s’engouffrent en elle et que la pluie ne s’abatte sur les soleils en fuite.
Enfin, par un matin ensoleillé, s’élève l’appel interminable du train. Elle regarde autour d’elle. La gare…soudain vide! Où sont parties toutes ces âmes aux valises alourdies par la vie? Où s’est éparpillée cette foule de solitaires déchus? Où s’est évaporé cet essaim de corps en cage aux yeux humides et à la bouche sèche?
Elle se sent abandonnée et décide de s’engouffrer dans le train. Seule. Sans valise ni billet. Sans but.
Elle part seule…pour ne plus revenir.
Après son départ, des têtes se tendent, des pas résonnent et le lieu se remplit. Tout le monde fait semblant de ne rien savoir, de n’avoir rien vu.
Pourtant ce parfum qui embaume le souvenir ! Ce nom qui ravive la fuite! Ils n’osent plus se regarder, les fugitifs hypocrites, trahis par le cinquième sens de Chanel qui, perspicace, devina tout. Qui ne ressuscita qu’elle.’ Je me suis réveillée en sursaut, le corps ruisselant de sueur. Quel étrange rêve!
Je l’ai oublié par la suite.
C’est ce que j’ai cru…” F. K.
NORMA JEANE « BROUILLON DE MA VIE »
Photos: via icons.archive