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Extraits de « Norma Jean: Brouillon de ma vie », autobiographie fictive de Marilyn Monroe, alias Norma Jean, que j’avais écrite à l’âge de 16 ans, préfacée par Amin Maalouf.
Et si je meurs à l’aurore? Subitement et sans douleur?
Ce grand lit blanc portant mon corps glacé s’effacerait un mois après comme le cercueil en bois noir délaissé, désolé et sans âme, dans les tunnels funèbres de la terre.
Je ne serais alors qu’un squelette pâle enseveli dans l’oubli, même si un immense cortège, houle humaine étrangère, l’aurait accompagné jusqu’à la tombe.
Je quitterais tous les endroits chers où ma vie s’est agenouillée un jour, éperdue et tumultueuse; où ma bouche a proféré des blasphèmes et des prières; où mon coeur a émis des sanglots et des soupirs.
Je quitterais les champs dont j’ai tant rêvé et où je n’ai jamais gambadé. Ces landes mauves, verdâtres ou dorées, que l’azur pleurnichard arrose à la tombée des lueurs, demeureraient à jamais les illusions amassées de l’enfant et de la femme.
Je quitterais les êtres dont la rencontre s’est faite en moi. Ils s’évaporeraient dans cette nuée désespérée, échappée à ma vie et qui circulerait déchaînée vers le tabernacle sacré.
Je quitterais la douleur et le plaisir, les larmes et les sourires afin de tracer ma voie vers un monde nouveau, l’exil de mon passé.
Je ne regretterais rien. J’ignorerais le dépaysement et la nostalgie. Serait-ce la fuite? Oui, ma fuite du destin. Le vainqueur.
Ce destin un peu fou qui s’est glissé dans mon existence, fugitif et puissant, m’a devancée depuis longtemps. Combien je l’ai jalousé! Mais il ne m’a point remarquée, effacée par son ombre, piétinée par ses enjambées. Cependant, à la fin, quand je suis parvenue à l’atteindre, il m’a frappée là au coeur et a poursuivi son parcours, toujours aussi sourd.
Peut-être est-ce mon fatum au point qu’il n’y aurait jamais de flamme enfouie dans le sable de mon âme à rallumer le soir venu aux gémissements des tzigans perdus.