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La fureur de vivre. Happer chaque instant avidemment tel un homme affamé qui arrache la robe d’une femme. Saisir les minutes à tout bout de champ pour les immortaliser dans le temps, dans l’espace, emprisonnant les vicissitudes du quotidien. Un quotidien que l’on s’acharne à remplir tantôt de tâches insensées tantôt de passions consumées. Dis, cette rage de croquer la vie à pleines dents, de n’en rater aucune miette, cette soif inextinguible de sensations fortes, de pouvoir absolu, de succès enivrant, à quoi bon? A quoi servirait cet empressement journalier, ô combien épuisant tant physiquement que moralement, d’entasser une pile de rendez-vous professionnels, d’activités pour les gosses, d’obligations sociales, de projets de rénovation, d’investissements immobiliers, tout en mettant un point d’honneur à ne manquer aucune soirée bien arrosée pour voler des secondes d’évasion inespérée? Ces années d’efforts titanesques, de nuits blanches de labeur à esquisser des desseins d’avenir pour laisser des empreintes indélébiles dans l’histoire de la nation, mais pourquoi? Pourquoi ce sprint marathonien s’il devait aboutir à la même fin inévitable, inébranlable, implacable: la mort? Justement, pour l’oublier! Faire semblant de ne pas la voir, cette faulx macabre qui guette au détour d’un parcours, pour s’abattre, sans merci, sans crier gare, sur un édifice bâti soigneusement une vie durant. Tourner la machine du vécu inlassablement pour que tout en soi vibre, palpite, frémisse: la matière grise, le corps tout feu tout flamme, les plis et replis de l’âme, l’être tout entier. S’engouffrer dans le train de l’existence à 600 km à l’heure pour se diriger tout droit vers ce qu’on n’accepte pas. Oublier, ignorer, snober cette destination sans issue, quitte à grimper sur le toit du wagon pour s’allonger librement, seins au soleil, cheveux dans le vent, et aspirer à pleins poumons les rafales de vent qui gèlent le corps, embrasent l’âme, grisent le cerveau. Carpe diem. F.K.