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Dans Ici Beyrouth par Fida Khalifé, le 26 juillet 2023 à 18:00
En toi, j’ai épanché mon univers.
J’ai versé dans tes abysses cette boule d’énergie, d’atomes et de mystère dont je suis faite. Je t’ai confié une poignée de secrets glanés dans mes vies célestes, que ma mémoire avait conservés de son voyage millénaire.
Je t’ai murmuré mes confessions les plus scandaleuses, mes folies les plus innocentes.
Je t’ai légué les leçons de mon existence terrestre, ce semblant de maturité enfantine sculptée dans la souffrance. La souffrance qui plonge ta face dans la boue, qui fouette ton cœur dans ses ténèbres profondes, pour que la lumière jaillisse depuis les tréfonds de ton être.
J’ai tatoué sur ta peau vierge tous les graffitis que j’ai peints une vie durant.
J’ai écorché ta pudeur, immaculée sous la cape de ta féminité éthérée.
J’ai pleuré des illusions sur ta face ensevelie sous une crinière argentée.
Je t’ai serrée contre mon cœur, les nuits où j’avais besoin de ton contact, de ton parfum.
J’ai apprivoisé ta dualité humaine, la nôtre; cet amalgame clair-obscur qui hante ton esprit; ton yin et ton yang; ta force et ta fragilité; l’ange et le diable qui cohabitent en toi, dans ce corps de femme, tantôt puéril, tantôt sensuel.
J’ai découvert que le mal, comme le bien, n’est pas une force externe, mais plutôt l’une des voix multiples qui chantent en toi, dans ton cosmos nuancé, ni tout à fait blanc, ni tout à fait noir; dans ta voie lactée qui relie tous les êtres par des cordes invisibles et des dialogues silencieux.
Sous tes paupières closes, le temps a abandonné sa notion classique de ligne droite. Il a pris l’allure de spirales infinies qui progressent au rythme de tes danses internes. Le passé s’est transformé en une interprétation de souvenirs. L’avenir s’est mué en mirage. Ne subsiste que ton présent. Ce présent intemporel qui résume ton éternité.
Quand tu as compris que la vérité passait par le cœur et non par la tête, tes doigts fins ont rouvert les pans de ton cœur. Toi, cette force de la nature, tu t’es remplie d’amour et t’es soumise à la vacuité de l’existence, à la légèreté de l’être. Ta soumission au moment présent, à l’essence de la vie, n’est point une abdication, mais une libération. Un geste de pouvoir. Le pouvoir de te recréer, te renouveler, te repeindre, dans le halo de ta lumière intérieure. Le pouvoir de mourir avant la mort pour renaître à une nouvelle vie. Encore et encore, jusqu’à l’illumination ultime.
Photo: toile intitulée Clair-Obscur, par Fantine Samaha, de la collection « Désert Blanc », exposée à Arthaus du 27 au 31 juillet 2023.