Getting your Trinity Audio player ready...
|
Nous avons oublié tout ce qui faisait la beauté du Liban. Face aux querelles fratricides qui déchiraient la mosaïque pluriculturelle et pluriconfessionnelle qui nous distinguait, qui nous soudait, nous ce peuple libanais qui se laissait aller au désenchantement, nous avons renoncé à l’émotion. Submergés par les vagues récurrentes de déception, ensevelis sous les montagnes de déchets et de pollution, de soucis socioéconomiques et de luttes intestines, nous nous sommes sentis étrangers dans notre patrie. Ces racines qui nous liaient au sol ne parvenaient plus à retenir notre envol. Elles se muaient en menottes dans le brouillard épais qui nous encerclait tous azimuts. Certes, ce renoncement imposé par la triste réalité était légitime. Et pourtant… L’amour ne se commande pas. Parce que lorsque nous regardons ces cimes enneigées surplombant la Méditerranée sur fond d’un ciel azur, ou que nous nous promenons dans les ruelles parfumées de notre village d’enfance, bordées de ces demeures anciennes aux arcades majestueuses, c’est tout notre cœur qui s’emballe. Oui, il est difficile de ravaler notre amertume et d’essayer de ranimer nos rêves brisés. Oui, nous sommes souvent tentés de prendre la poudre d’escampette vers des horizons plus humains, plus justes, porteurs d’un espoir indicible pour nos enfants ; tentés de glaner les cendres de notre optimisme d’antan pour les disperser dans l’arrière-cour de notre mémoire avant de prendre le large… Mais comment abandonner notre patrie, dans les entrailles de laquelle coule notre sang, gisent nos ancêtres et bat notre cœur ? Comment lui refuser une seconde chance ? Dans un monde où l’individualisme devient roi et où les émotions sont stigmatisées, laissons parler le cœur encore une fois. Sa voix est souvent une planche de salut. Osons travailler pour un avenir plus clément. Osons y croire. Amin Maalouf avait écrit : « Mieux vaut se tromper dans l’espoir qu’avoir raison dans le désespoir». De mon côté, demain dès l’aube, à l’heure où se mêlent l’appel du muezzin à la prière au son des cloches des églises, lâchant la bride à mon espérance d’antan, je partirai à la reconquête de mon Liban. F.K.